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 Angélus Silésius

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Lucile
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Lucile


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MessageSujet: Angélus Silésius   Angélus Silésius Icon_minitimeMer 17 Oct - 22:24

Angélus Silésius 41rhnv10


Angélus Silésius est un mystique allemand du XVIIe siècle, de confession luthérienne.
Je voulais vous le présenter parce que sa conception de Dieu me semble de plus actuelles, et risque de vous satisfaire bien davantage que celle de l'Eglise...
Voici tout d'abord un commentaire sur son oeuvre (qui n'est pas de mon fait...):

Les Sentences d’Angélus Silésius sont souvent paradoxales. Elles se composent de deux énoncés qui se confrontent, s’opposent, s’annulent en apparence pour que surgisse une sagesse toujours surprenante. S’il procède ainsi, c’est que la vérité est paradoxale. Dieu, l’homme, la Sagesse, ne sont pas ce qu’ils semblent être. La vision commune est illusoire. L’homme est trompé par les sens et sa vision demeure dans les bornes d’une vision naïve du monde. Seul un renversement complet du regard, une « conversion », au sens étymologique du terme, peut le réveiller, le sortir de cette impasse et le faire accéder à la vision juste qui est celle qui nous mène au grand silence de la déité.
Le but d’Angelus Silésius est donc constamment de casser par le jeu des paradoxes les fausses évidences du dogme religieux. De le briser pour surprendre et réveiller. Il rectifie, dans le sens alchimique d’une purification, les idées que nous avons sur Dieu, l’espace, le temps, le chemin spirituel.
Par un étrange glissement de sens nous attribuons à Dieu des valeurs et des fonctionnements humains, nous projetons nous propres réactions. Nous poursuivons sans cesse des buts, alors nous imaginons que la divinité procède ainsi, sans comprendre la gratuité parfaite du monde qui se déploie « sans raison ».
Cela est évidemment en totale contradiction avec la théologie qui parle d’un Dieu qui crée le monde « par amour ». Un Dieu qui veut la perfection des êtres, les guide, les sermonne, les encourage au « bien ». Alors que le Dieu d’Angélus est sans « volonté », sans « désir », et manifeste l’univers sans nécessité, gratuitement.
Les êtres et les choses obéissent tous au principe de causalité, c’est-à-dire qu’ils sont tous le produit d’une cause. Seul l’Etre, le monde dans sa globalité est véritablement « sans raison ». Il surgit parce qu’il surgit.

Seuls les êtres et les choses qui ont une « forme » existent pour nous. Alors nous pensons que Dieu aussi est un tel être et qu’il possède une « existence » au sens où nous entendons ce terme. C’est pourquoi Angélus Silésius parle sans cesse du Dieu-Rien, du Dieu-Néant, qui n’existe pas mais qui « est ».
En fait nous sommes victime d’un processus d’objectivation qui nous voile la source de l’Être. Seul existence pour nous ce qui peut être mis à distance, extériorisé, et de ce fait transformé en objet de perception. Même les pensées et les émotions sont des objets et la distinction entre monde extérieur et monde intérieur n’a pas réellement de sens car ce sont en fait deux aspects d’un même processus d’objectivation.
C’est cette tendance naturelle de notre esprit qui nous amène à concevoir un Dieu-objet. Aussi immense et infini qu’il nous semble, il est finalement encore une représentation et de ce fait une illusion.
C’est dans ce sens que nous forgeons les idoles que rejette la Bible. Les idoles sont précisément ce que nous pouvons appréhender que ce soit des concepts ou bien des objets sensibles.
Or, précisément, Dieu est ce qui ne peut s’extérioriser, ce qui demeure caché, voilé, hors de portée de toute tentative d’objectivation. Pour le connaître dans sa réalité, il faut une conversion du regard, un retournement de conscience où l’esprit plonge en lui-même en direction de sa source. En fait, on ne peut connaître Dieu ; on peut seulement être Dieu.
C’est dans ce sens que Maître Eckhart et Angélus Silésius distinguent Dieu, ce qui peut encore faire l’objet d’un concept, et la Déité, ce qui demeure éternellement dans le secret.

Le pèlerinage de l’âme en quête de ce Dieu qui n’est « Rien » est lui aussi paradoxal.
Angélus Silésius procède à un renversement de l’ascèse traditionnelle qui prie un Dieu extérieur et s’imagine que cet « Etre Suprême », « infiniment bon », viendra exaucer ses demandes. Or Dieu n’a nul « volonté » au sens humain du terme et il ne sert à rien de le prier avec des paroles. Il est silence et c’est seulement si l’on fait silence en soi que l’on peut entendre sa parole qui coule sans cesse chaque instant de notre vie.
Notre auteur ne demande pas non plus de rejeter les désirs et les ambitions pour quelque obscure raison théologique, mais affirme simplement : « Pourquoi désirer, en toi sont le ciel, la terre et les milliers d’être angéliques ».
De même, il détruit d’une parole cette divinité fantôme qui punit les pêcheurs. Dieu ne punit personne. C’est le péché lui-même qui est « angoisse, douleur et mort ». Ce que nous appelons « péché » est donc simplement ce qui est source de souffrance et la vertu ce qui engendre la joie. D’ailleurs Dieu n’est pas vertueux. Là encore, croire en un Dieu juste et bon est une projection anthropomorphe. Il est l’essence, la cause de toute vertu, « la vertu flue de lui comme du soleil les rayons » et nul ne peut distinguer le soleil de sa lumière.

Angélus Silésius offre aussi une vision complètement intériorisée de l’histoire Sainte. Pour lui les événements qui se sont passés, il y a deux mille ans, présentent un intérêt dans la mesure où ils sont repris dans la perspective d’un chemin spirituel. « Le Christ pourrait bien naître des milliers de fois à Bethléem s’il ne naît en toi, ta perte est éternelle ».
De même le jardin des Oliviers et le Golgotha doivent être lu comme des images d’événements intérieurs qu’il nous faut vivre. L’Evangile n’est plus une simple histoire (même très belle) appartenant au passé, mais il s’actualise. Il devient une série d’étapes sur le chemin que doit vivre le chrétien et il prend ainsi tout son sens. C’était d’ailleurs déjà la perspective de Taule qui considérait par exemple les béatitudes comme les phases du processus d’émergence du Dieu en nous.
En fait, le seul but consiste à devenir un avec la divinité, d’être une unique lumière avec elle, car Dieu et toutes ses bénédictions sont contenues dans le cœur de l’homme et « la vraie prière est de devenir semblable à Dieu ». Et pour « devenir semblable » à Dieu », pour s’absorber en lui, il n’est qu’un seul chemin : devenir un « Rien » à son image. C’est-à-dire « mourir avant de mourir », ne rien vouloir, ne rien désirer, pour être pure transparence. Alors on devient semblable à celui qui ne veut rien, ne désire rien, qui est un « éternel repos ».

Pour trouver ce « Rien qui est Tout » il est donc simplement nécessaire d’évacuer le « moi », ce que les anciens nommaient fort justement la « volonté propre » qui distingue « le mien du tien », qui « cloisonne », qui veut s’affirmer, qui se vante de ce qu’il y a de bon en elle, et tourne le dos à la « Présence ».
Elle est cause de tout mal, de toutes les guerres, de tous les conflits car elle est à l’origine de l’opposition entre le « moi » et l’autre.
Or l’essence de la volonté propre est de vouloir « tantôt ceci, tantôt cela », d’aimer et de ne pas aiimer, d’être attiré par certaines choses et repoussé par d’autres. Elle n’accepte pas le monde tel qu’il est. Alors que le pèlerin devrait s’abandonner à la « volonté divine », c’est-à-dire, comme Dieu ne veut rien, abandonner, tout vouloir, accepter pleinement et entièrement les événements comme ils viennent. C’est pour cela que notre auteur affirme que les œuvres des Saints se résument à une seule : s’abandonner à Dieu, car pour le regard déifié, la vie est toujours parfaite.

Finalement, ce n’est pas Angélus Silésius qui est paradoxal, mais l’expérience mystique de Dieu.
Elle renverse la perspective commune, « habituelle », que ce soi celle de la religion institutionnelle ou celle du « matérialisme » et face à cette « vision » c’est tout le mode ordinaire d’appréhension du monde qui apparaît « naïf » et dénué de sens.
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Lucile
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Lucile


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MessageSujet: Re: Angélus Silésius   Angélus Silésius Icon_minitimeDim 21 Oct - 16:47

Voici maintenant les passages qui m'ont le plus parlé. Silésius n'écrit que par aphorismes, avec des tournures souvent paradoxales, comme l'explique le critique.


On ne peut saisir Dieu.
Dieu est un pur Rien. Aucun événement ici présent ne l’affecte.
Plus tu cherches à le saisir et plus il t’échappe.

La mort te transforme en Dieu.
C’est quand tu meurs que Dieu devient ta vie
Alors tu te transfigures en Dieu.

La souffrance vient de toi.
Il n’est rien qui te fasse mouvoir ; tu es toi-même la roue
Qui d’elle-même court, roule et n’a pas de repos.

Dieu doit naître en toi.
Le Christ pourrait naître mille fois à Bethléem
S’il ne naît en toi, ta perte est éternelle.

Le ciel est en toi.
Arrête-toi, où cours-tu ? Le ciel est en toi
Si tu cherches Dieu ailleurs, tu le manqueras toujours.

Comment devenir semblable à Dieu.
Qui veut être semblable à Dieu, doit devenir libre de toutes choses,
Il doit être vide de lui-même et délivré de toute affection.

Tout est égal pour l’être abandonné.
Si je ne m’abandonne complètement à Dieu, et s’il voulait me faire souffrir,
Je lui sourirai tout autant que dans la joie.

Qu’es-tu devant Dieu ?
Homme, ne pense pas faire quelque chose d’important pour Dieu,
Les actions de tous les Saints ne sont qu’un jeu devant sa face.

La prière silencieuse.
Dieu est tellement présent en toutes choses, qu’on ne peut parler :
Tu l’adoreras bien mieux dans le silence.

L’amour est la Pierre Philosophale.
L’amour est la Pierre Philosophale ; il sépare l’or de la gangue ;
De Rien il me fait être et me transmue en Dieu.

Sans pourquoi.
La rose est sans pourquoi ; elle fleurit parce qu’elle fleurit.
Elle n’a nulle attention pour elle-même, ne cherche pas à briller.

Dieu est sans vouloir.
Nous demandons : Seigneur que ta volonté soit faite ;
Mais Dieu n’a nul vouloir. Il est un éternel repos.

Il doit d’abord être en toi.
Homme, si le paradis n’est d’abord en toi,
Crois-moi, tu ne le connaîtras jamais.

Qui devient Dieu, voit Dieu.
Pour voir la Vraie Lumière, dans son être véritable,
Je dois me confondre à elle, sinon cela est impossible.

Les accidents et l’essence.
Homme, retrouve ton essence, car lorsque disparaît le monde,
Les accidents disparaissent ; seul demeure l’essence.

On connaît Dieu par le créé.
Dieu, le Dieu caché, se fait connaissable et accessible,
Dans le reflet de son être que sont ses créatures.

Ta prison c’est toi moi.
Ce n’est pas le monde qui te lie : tu es toi-même le monde
Qui te tient prisonnier de toi-même.

L’abandon parfait.
Un homme totalement abandonné est éternellement libre et Un :
Peut-il y avoir une différence entre lui et l’être de Dieu ?

Dieu joue avec la création.
Toutes choses sont un jeu de la divinité
C’est pour son plaisir qu’elle a conçu le monde.

La Déité.
La Déité est une source ; d’elle tout provient
En elle tout retourne, car elle est aussi un océan.

Le ciel est partout.
En Dieu vit, demeure et se meuvent toutes créatures ;
Alors pourquoi demandes-tu le chemin du ciel.

Tout doit retourner à l’unité.
Tout sort de l’unité et tout retourne à l’unité
Mais dès que paraît la dualité, tout se perd dans la multiplicité.

Dieu est Rien et Tout.
Dieu est à la fois Rien et Tout, sans subtilité,
Car, essaye donc de dire ce qu’il est ou bien ce qu’il n’est pas.

Dans la mer la multitude est une.
La multitude des graines font un pain, la multitude des gouttes une mer ;
De même la multitude des êtres ne seront qu’un en Dieu.

Comme vous le voyez, la conception de Silésius à propos de Dieu, de l'être humain, et de la façon d'honorer Dieu est radicalement différente de celle de la religion catholique. A de nombreux égards, elle me rappelle les religions orientales, notamment lorsqu'il explique que c'est nous qui créont notre souffrance, ce qui fait penser au bouddhisme qui dit que tout est souffrance.
L'image qu'il donne de Dieu est aussi assez lointaine l'image traditionnelle véhiculée dans le dogme catholique. Dieu est un grand Tout qui n'est pas personnalisé, qui n'est ni bon ni mauvais, qui ne nous écoute pas. Une partie de nous est reliée à lui, et finalement le meilleur moyen de le contacter, ce n'est pas par la prière vers une entité extérieur, mais c'est plutôt de retourner à l'intérieur de soi. Là aussi on est loin du dogme catholique qui sépare nettement l'humain du divin. Finalement, on ne semble être que du divin incarné temporairement.
J'aime beaucoup le paradoxe par lequel Dieu est à la fois Tout et Rien: tout parce qu'il est au coeur de toute chose, mais aussi rien, parce qu'il n'a pas une personnalité.

petit clin d'oeil aux inconditionnels de Christiane Singer: "où cours-tu? Le ciel est en toi!" Et oui, ça vient de Silésius!

bon, j'espère que c'était pas trop long, c'était déjà difficile de sélectionner ses aphorismes les plus intéressants!
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Kamui

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MessageSujet: Re: Angélus Silésius   Angélus Silésius Icon_minitimeLun 22 Oct - 22:08

J'allais justement réagir sur le Où cours tu? ne vois tu pas que le Ciel est en toi de Christiane Singer!

Les extraits m'ont particulièrement touché. Le Dieu grand Rien et grand Tout à la fois, qui est en nous et partout.
Cette idée d'unité et de retour à l'unité au lieu de se disperser, la perte de l'ego, le fait que la souffrance provient de nous.
Le fait aussi que Dieu n'a aucune volonté propre, qu'il ne désire rien,... bref tout cela me parle beaucoup.
Cela correspond plus à l'idée que je me fais de Dieu que cette vision catholique où le vieux barbu ressemble à un père noël gâteux.

En lisant ces extraits, j'ai repensé à un extrait de Du bon usage des crises de...Christiane Singer bien sûr!

Voici l'histoire du jeune rabbi Yaakou-Vitzhak, qui est appelé aussi le Voyant de Lublin. A l'âge de quatre ans, il s'échappe toujours et un jour son maître, lassé de le punir, le suit là où il va. Il s'aperçoit qu'il disparait dans la forêt et qu'au milieu d'une clairière, cet enfant de quatre ans crie :"Ecoute, écoute, Israël, Dieu est ton Dieu." Depuis ce jour, ses fugues ne sont plus punies. Mais son père qui veut comprendre aussi lui demande :
"Pourquoi t'échappes-tu sans cesse dans la forêt?"
- Je cherche Dieu, dit l'enfant
- Mais, dit le père, Dieu n'est-Il pas partout ?
- Oui, dit l'enfant, Dieu est partout.
- Dieu n'est-il pas partout le même ?
- Oui, dit l'enfant, Dieu est partout le même. Mais moi, je ne suis pas le même partout."
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