Lucile Admin
Messages : 144 Date d'inscription : 08/09/2007 Age : 41 Localisation : ici
| Sujet: Télérama :"L'heure terrible où Dieu n'est pas vrai" Dim 6 Jan - 14:45 | |
| Incredibeul!
Télérama publie un article sur la nuit noire de l'âme! Comment en est-il arrivé là? Très simple, la publication des lettres et autres écrits de Mère Teresa où elle confesse son manque de foi sur de longues périodes (les nuits en question...), qui ont évidemment suscité la stupeur du monde catholique.
Voici quand même ce que la chroniqueuse de Télérama nous dit, dans un article titré « L’heure terrible où Dieu n’est pas vrai ». "Où est ma foi? Tout au fond de moi, où il n’y a rien d’autre que le vide et l’obscurité. Mon Dieu, que cette souffrance inconnue est douloureuse, je n’ai pas la foi. » L’aveu, émanant de mère Teresa, fut révélé au grand jour en septembre dernier, au moment du dixième anniversaire de sa mort, lorsque parut, aux Etats-Unis, une compilation de lettres et d’écrits signés de la main de la fondatrice de la Congération des missionnaires de la charité. « Si un jour je deviens une sainte, je serai sûrement celle des ténèbres, je serai continuellement absente du paradis », ajoutait mère Teresa. Stupeur générale. Ainsi donc, la sainte femme, modèle de rayonnement, béatifiée en 2003, ne croyait pas en Dieu… Du moins est-ce là le résumé, très schématique, bien trop hâtif, et pour tout dire parfaitement erroné, qui fut fait ici et là de cette confession posthume. En réalité, ce doute spirituel qui, toute sa vie durant, a accompagné mère Teresa, le processus de sa béatification l’azvait déjà dévoilé publiquement des années auparavant. « Une longue nuit de combats spiritels », titrait ainsi le quotidien catholique La Croix au jour de sa béatification. A y regarder de plus près, la littérature mystique est pleine de « nuits obscures » (Jean de la Croix) et autres « nuits privées d’étoiles » (Thomas Merton), qui évoquent ce « vide », cette « obscurité », ces « ténèbres » qui, sa vie durant, à l’exception de quelques moments de répit, tourmentèrent la dévouée mère Teresa. La traversée de ce que l’on nomme la « nuit spirituelle », loin d’être le symptôme d’un scepticisme profond, d’un manque ou d’une perte de foi, est en réalité un passage obligé dans l’itinéraire des grands mystiques. A cette nuit spirituelle, Jean de la Croix (1542-1591), saint et poète, consacra une grande partie de ses écrits. Au point de se voir surnommer le « docteur des nuits ». C’est que ce motif de la nuit, de l’obscurité intense dans laquelle ne filtre pas la moindre étincelle de lumière, semble au poète le symbole le plus à même de signifier certain moment de la vie du croyant où son lien à Dieu s’intensifie sans qu’il en ait conscience – alors même que, paradoxalement, il est incité à croire que ce lien se défait, que Dieu s’éloigne, se tait et s’absente, que sa foi se délite, que le doute s’installe et prend toute la place. Ce moment est, écrit Jean de la Croix, « un commencement d’obscure et sèche contemplation, qui demeure cachée et secrète à celui-là même qui en jouit ». Eprouvant cette « sécheresse », mesurant l’épaisseur de la nuit dans laquelle elle s’enfonce, « c’est véritablement aux douleurs de la mort, aux totures de l’enfer que l’âme se voit en proie », poursuit le carme. En fait, le passage par cette nuit spirituelle est une opération de purification, d’humilité, de dépouillement, une étape sur le chemin du plus grand détachement, tant sensible qu’intellectuel, qui offre au mystique la possiblité d’accéder à la pure contemplation, de se rapprocher de Dieu. Tel est le sens des paroles rassurntes de Jean de la Croix : « Donc, ô âme spirituelle ! quand vous verrez votre appétit obscurci, vos affections sèches et resserrées, ne vous peinez pas de cela, au contraire, tenez-le pour un bonheur, puisque Dieu va vous délivrant de vous-même, vous ôtant des mains les facultés avec lesquelles, même en faisant de votre mieux, vous n’auriez su opérer si entièrement, si parfaitement ni si sûrement. A présent, Dieu vous prenant la main vous conduit en ténèbres, comme un aveugle, où et par où vous ne savez et jamais n’auriez trouvé le moyen de cheminer, quelque bon pied et bon œil que vous ayez. »L’exemple et l’enseignement de Jean de la Croix – non plus que ceux de Jean Tauler (1300-1361), de Thérèse d’Avila (1515-1582) ou de François de Sales (1567-1622) – n’ont pas empêché d’autres mystiques après lui de faire, à leur tour, l’expérience douloureuse de la nuit spirituelle. « Ah ! que de lumières n’ai-je pas puisées dans les œuvres de notre père saint Jean de la Croix ! » confie, trois siècles après la mort du mystique espagnol, Thérèse de Lisieux (1873-1897), que Teresa s’était d’ailleurs choisie pour patronne. Dans son autobiographie spirituelle, Histoire d’une âme, Thérèse raconte pourtant comment, en 1896, le jour de Pâques, alors qu’elle avait 23 ans, la jeune carmélite qu’elle était se sentit brusquement « envahie des plus épaisses ténèbres » : « Tout à coup, les brouillards qui m’environnent deviennent plus épais, ils pénètrent dans mon âme et l’enveloppe de telle sorte qu’il ne m’est plus possible de retrouver en elle l’image si douce de ma Patrie, tout a disparu (…) Il me semble que les ténèbres, empruntant la voix des pêcheurs, me disent en se moquant de moi : « Tu rêves la lumière (…), tu crois sortir un jour des brouillards qui t’environnent ! Avance, avance, réjouis-toi de la mort qui te donnera, non ce que tu espères, mais une nuit plus profonde encore, la nuit du néant. » Dans la nuit, Thérèse allait demeurer jusqu’à sa mot, dix-huit mois plus tard. François Mauriac évoque « la pire des épreuves », « le martyre », « la terrible purification imposée à Thérèse », ainsi notamment qu’à la poétesse catholique Marie Noël (1883-1967), plongée elle aussi dans cette obscurité spirituelle – « L’heure terrible où Dieu n’est pas vrai et où je continue à l’aimer quand même », écrivait-elle. Si les grands mystiques vivent cette expérience de la nuit avec une intensité particulière, les croyants plus ordinaires n’en sont pas à l’abri. Peu enclin à l’abandon, au renoncement à ses facutlés sensibles ou intellectuelles, réfutant même avoir jamais eu « le moindre doute sur le foi, ou d’hésitation, ou de regret », Paul Claudel expliquait néanmoins : « On ne va pas d’un seul coup à la lumère. On y va par le chemin de l’obscurité. On ne quitte pas l’obscurité une fois pour toutes, c’est un va-et-vient continuel de l’un à l’autre. » Voilà ! C’est un peu long et peut-être un peu lointain et abstrait pour certains, mais moi ça me touche particulièrement, donc je voulais vous en faire part. J’ai bien conscience que pour expérimenter cela, ou même le comprendre, il faut avoir placé la quête de Dieu au centre de sa vie, et ce n’est pas le choix de tout le monde. Il est inutile que je vous dise que ce n’est VRAIMENT PAS le genre de chose que l’on lit dans Télérama habituellement….
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